Estimations chiffrées du transfert de charges sociales
Imaginons maintenant que l’on souhaite rendre la vraie valeur aux principales énergies composant le mix énergétique Français. On a vu dans les premiers articles de cette analyse combien l’écart est important et combien la vraie valeur de l’énergie est sous-estimée aujourd’hui. Une hypothèse de calcul consisterait à doubler le prix de revient de ces énergies en portant le montant de la Taxe Sociale sur l’Energie (TSE) au prix de revient/d’acquisition des principales énergies composant le mix énergétique Français, que l’on a estimé à environ 5c€ par kWh. Si ce montant de TSE était appliqué à toutes les énergies finales consommées en France (pour rappel égal à 1600TWh par an), cela génèrerait une TSE de 80Md€ par an, de quoi soulager pas mal nos cotisations sociales comme nous allons le voir un peu plus loin. Cela aurait aussi pour conséquence de porter le prix du kWh d’électricité à environ 20c€…
Comme évoqué précédemment, on pourrait aussi imaginer choisir d’appliquer la TSE uniquement sur certaines énergies, les moins désirables parmi le mix énergétique national – les énergies fossiles et l’énergie électrique produite à partir du nucléaire. Aujourd’hui cela représente la majeure partie des énergies consommées en France avec un total en énergies finales non renouvelables consommées en France en 2016 égal à 1350 TWh. Dans ce cas, le montant des recettes de la TSE passerait à 67,5Md€. Via le transfert de charges sociales, c’est déjà plus de 13% de charges transférées.

Imaginons maintenant que l’on superpose à la TSE une taxe carbone renforcée (TCR) pour tenir compte de la pollution spécifique produite par les énergies les plus polluantes, celles qui génèrent des gaz à effets de serre. Ici comme évoqué plus haut, le choix de la valeur de la taxe carbone est toute une affaire. Elle est actuellement en France de l’ordre de 44€ la tonne de CO2 produite. Comme cela est expliqué ici, il est proposé de porter la valeur de la taxe carbone pour l’année 2020 à 112€ la tonne (note 1). Cela correspondrait à un montant de taxe carbone médian de l’ordre de 2.5c€ par kWh consommé en énergie finale fossile (note 2).

En tenant compte du taux actuel de la taxe carbone, cela produirait une augmentation moyenne des prix des énergies fossile de l’ordre de 1.5c€ par kWh, soit environ 15c€ par litre d’essence ou de gasoil ! En 2019 en France la consommation d’énergie finale à base d’énergies fossiles était proche de 1000 TWh. Avec une taxe carbone renforcée (TCR), une recette fiscale additionnelle de environ 15Md€ par an serait générée.
La somme des deux taxes permettrait donc de collecter un peu plus de 80 Milliards d’Euro sur une année en France. En considérant un élargissement de l’assiette des prélèvements à destination du financement de la sécurité sociale, cela se traduirait par un transfert de plus de 15% des charges sociales des entreprises et des ménages.

Sans politique de quota et sans interdiction, en créant une TSE significative et en portant la taxe carbone à un niveau élevé avec la TCR, le signal prix sur certaines énergies serrait clair. Et vu que les recettes de ces taxes, viendraient intégralement soulager la compétitivité des travailleurs et maintenir un droit à consommer universel, les plus gros consommateurs, entreprises et ménages, financeraient les plus pauvres ou les plus vertueux.
Note 1 : Le niveau de la taxe carbone rend compte de l’impact réel des énergies sur l’environnement. Sa valeur est fixée et à actualiser en fonction de plusieurs critères et paramètres visant à rendre compte de la valeur des bénéfices futurs des efforts actuels. Un article du journal Le Monde apporte également des éléments de compréhension et de perspectives sur la taxe carbone. Sa définition est également largement évoqué dans l’ouvrage de M. Gollier, « Le climat après la fin du mois« .
Note 2 : Ce montant est calculé en considérant pour les carburants liquides 10kWh par litre en environ 2500g de CO2 par litre et pour les carburants gazeux, 10kWh par m3 et environ 1800g de CO2 par m3. Au prorata des consommations, on arrive à une moyenne de l’ordre de 220g de CO2 par kWh d’énergie fossile consommée (calcul de l’auteur).
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